Précédent
Suivant
Au maître, au confrère, à l'ami : florilège d'envois à Paul Bourget

Colette (1873-1954)

Lorsque Colette débute en littérature au début du XXe siècle comme porte-plume de son premier mari, Henri Gauthier-Villard dit Willy, Bourget est déjà un auteur consacré. Drames de famille de Bourget et Claudine à l’école (sous la signature du seul Willy) paraissent tous les deux au printemps 1900 avec un grand succès et de forts tirages. Ces deux ouvrages eurent aussi les honneurs de la critique, notamment dans Le Journal, créé en 1892. Bourget et Colette, célébrités littéraires et journalistes, collaborèrent fréquemment à ce titre, Bourget dès sa création, Colette entre 1933 et 1938. S’ils purent se fréquenter dans les salons littéraires de la Belle Époque, aucun des deux écrivains ne mentionnèrent explicitement une rencontre ou un souvenir précis, contrairement à Francis Carco, leur ami commun. Bourget ne figure pas dans la galerie de portraits écrits entre 1909 et 1951 par Colette, recueillis à titre posthume en 1958 dans Paysages et portraits. Colette cita pourtant nommément Bourget dans Claudine s’en va (1903), avec une allusion à Marcel Prévost « ce Bourget du pauvre » (Colette, Œuvres complètes, texte présenté, établi et annoté par Claude Pichois, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. I, 1984, p. 562). Dans une lettre à l’héroïne de Claudine s’en va, Annie, Claudine lui répond à sa demande d’« itinéraire » : « Je ne suis ni l’agence Cook, ni Paul Bourget, moi ! » (Pl. t. I, p. 637), sous-entendant ainsi le cosmopolitisme de l’auteur. Il est aussi possible de déceler un pastiche de Bourget, dans le personnage secondaire du romancier mondain, Léon Payet, apparaissant dans ce troisième opus de la série des Claudine. Cet auteur de « récits d’adultères du grand monde, de ces nobles suicides, de ces faillites princières » (Pl. t. I, p. 557) fait se gausser le critique Maugis, double autorisé de Willy :

— Nous comptons beaucoup pour la former sur « la vie facile et relâchée des villes d’eaux » ainsi que l’on s’exprime dans le dernier roman de Léon.
— Dans Un drame du cœur ? s’empresse Maugis. Une œuvre puissante, madame, et qui restera. Les affres d’un amour maudit mais aristocratique y sont peintes en traits de feu, d’une plume trempée dans le fiel. [ t. I, p. 562]

Devenue directrice littéraire du Matin, Colette n’eut de cesse de publier jeunes auteurs et talents confirmés ; elle sollicita alors Bourget en 1919, pour un texte pour sa rubrique des Contes des mille et un matins. « Il n’en faut pas plus pour que l’ambition me dévore et que je me mette en tête d’« avoir » Paul Bourget. » (Lettre de Colette à Bourget reproduite par Frédéric Maguet). Colette reconnait ainsi Bourget comme incontournable dans le paysage littéraire français, comme elle souligne, dans son envoi du Blé en herbe, la spécialité et la primauté de Bourget dans le roman psychologique.

Pour en savoir plus :
MAGUET, Frédéric, Les 7 vies de Colette, Paris, Flammarion, 2019, p. 140-141.




Permalien
https://bibliotheque-numerique.icp.fr/idurl/4/9161