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Au maître, au confrère, à l'ami : florilège d'envois à Paul Bourget

Georges Bernanos (1888-1948)

Georges Bernanos est considéré, à l’instar de Paul Bourget, comme l’un des grands romanciers catholiques de droite. Mais leur conception de la littérature et de la foi chrétienne est très différente. Bourget fut impressionné par son cadet sans que ce sentiment fût réciproque : « M. Paul Bourget répétait à ses intimes qu’il donnerait tous ses romans pour la seule Histoire de Mouchette. Or, je n’ai pas écrit l’Histoire de Mouchette à l’intention de M. Paul Bourget, l’Histoire de Mouchette m’apparaît donc comme l’un des pièges que la littérature tend malgré moi dans mes livres. » (Bernanos, Les Enfants humiliés, Essais et écrits de combat, Michel Estève (dir.), Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. I, 1971, p. 876). Bernanos admirait le maître de Bourget, Barbey d’Aurevilly, mais aussi Léon Bloy, son grand rival. Né dans un milieu monarchiste, il a certes lu Bourget dans sa jeunesse mais en prenant ses distances avec lui : « Au reste, je ne lis que du Balzac, à peu près, ou de l’Octave Feuillet ou Bourget (André Cornelys). J’ai même commencé du… Zola, mais rassurez-vous, c’est de sa jeunesse » (« Combat pour la vérité, lettre n° 6 », cité dans Jean-Loup Bernanos, Bernanos à la merci des passants, Paris, Plon, p. 68). Bernanos fréquenta plutôt les disciples de Bourget que l’académicien lui-même. Léon Daudet fut ainsi le témoin de son mariage le 11 mai 1917. Bernanos rejoignit Charles Maurras et l’Action française dont Bourget fut désigné comme mentor. Dans sa correspondance, citant une lettre de Bourget, il dit son admiration pour « ces vaillants de l’Action française, ces vrais fils de Gaule, avec du bon sens et de la foi, qui ne reculent devant aucune idée, qui s’imposent gaillardement, qui se définissent sans phrases. » (Bernanos, Correspondances, recueillie par Albert Béguin, choisie et présentée par Jean Murray, O.P., Paris, Plon, t. I, p. 88). Bernanos comme Bourget prit ensuite ses distances avec l’Action française, mais il le fit de façon définitive en s’opposant à l’académicien à partir de la guerre d’Espagne. Ainsi le Bernanos maurassien s’effaça devant un Bernanos écrivain contestataire. Mais comme Bourget, Bernanos ne put totalement se défaire d’une étiquette maurassienne, même s’il s’en défendit. Son premier roman, Sous le soleil de Satan, paraît en 1926 chez Plon, éditeur de Bourget. Obsédé par la foi et le combat spirituel, Bernanos met en scène des figures de prêtres dans ses romans comme l’auteur de Mensonges. Mais Bourget, ce catholique redevenu fervent, voire dogmatique, n’est pas aussi virulent que lui dans la description de la tentation du démon même si, en 1914, il en donna le titre à l’une de ses œuvres, Le Démon de midi, roman à thèse contre le modernisme d’Alfred Loisy. Bernanos s’inspira de la technique romanesque de Bourget en plaçant le crime au centre de ses romans, jusqu’à en écrire un roman policier, Un crime, en 1934, situé à Hyères-les-Palmiers, où l’académicien avait sa résidence d’été, le Plantier de Costebelle. Bernanos fait ainsi référence implicitement au maître du roman psychologique, qui fit paraître en 1886, Un crime d’amour.

Pour en savoir plus :
DAUDIN, Claire, Dieu a-t-il besoin de l’écrivain ? Péguy, Bernanos, Mauriac, Paris, Éd. du Cerf, 2006.
L’auteure remercie Claire Daudin pour l’aide apportée pour les citations de cette notice.




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